Précarité : les femmes handicapées en première ligne
La majorité des personnes en situation de précarité sont des femmes. À la difficulté d’être femme s’ajoute parfois un handicap qui les fragilise encore et peut les entraîner dans une spirale sans fond.
S’il y a une chose que Fatou n’avait pas envisagée, c’était l’hôpital. En ce matin gris et brumeux de novembre, la jeune Malienne quitte, pour la deuxième fois en six mois, les urgences de l’hôpital Delafontaine, en Seine-Saint-Denis. Elle est décidée à porter plainte contre son compagnon violent. Malgré la peur des lendemains, « parce que c’est lui qui ramène l’argent à la maison et qu’il faut bien nourrir les enfants... et qu’avec ma jambe qui boite, c’est encore plus difficile pour moi de trouver du travail ».
Toutes concernées
« Quel que soit leur âge, les filles et les femmes en situation de handicap font généralement partie des personnes les plus vulnérables et les plus marginalisées de la société », indiquait déjà l’Onu dans un rapport de son Assemblée générale du 10 juin 2000.
Si, près de vingt ans plus tard, la situation des femmes s’est améliorée, notamment grâce à des politiques volontaires et à l’accès à une meilleure formation qui ont limité la progression des inégalités, force est de constater que le handicap au féminin n’est pas encore suffisamment pris en compte. Emploi, santé, éducation, formation, maternité... les femmes en situation de handicap subissent des discriminations dans tous les domaines. Exclues de la vie sociale, elles peinent à être considérées comme des citoyennes à part entière. Peu formées et qualifiées, lorsqu’elles parviennent enfin à décrocher un emploi, elles risquent plus que les valides d’être reléguées à un poste de niveau inférieur et moins bien rémunéré, ou encore contraintes à des temps partiels. Là encore, elles sont moins bien loties que les hommes : 22 % de femmes handicapées trouvent un emploi contre 46 % d’hommes handicapés !
Des situations de survie
Les femmes en situation de handicap sont pour la plupart dans des situations financières précaires : leur faible autonomie économique les installe fréquemment dans des situations de survie. Malgré ses diplômes, Anne, 50 ans, a connu la galère. Banque alimentaire, Resto du cœur, centres d’accueil... « Pendant des années, j’ai enchaîné des CDD sous-payés qui me permettaient tout juste de payer mon loyer, témoigne-t-elle. L’entreprise me faisait comprendre à mots couverts que je devais m’estimer contente d’avoir été embauchée malgré ma déficience visuelle. Pourtant, dans un autre service de mon entreprise de l’époque, un collègue atteint de sclérose en plaques avait obtenu l’aménagement de son poste... » Il faudra une chef de service différente, une femme sachant donner un sens à la diversité si souvent prônée mais trop souvent oubliée, pour qu’Anne reprenne espoir. Mais avec la valse des mutations inhérente au monde de l’entreprise, l’amélioration sera de courte durée. Comme nombre de femmes en situation de handicap, l’avenir d’Anne s’annonce problématique puisque sa retraite sera très faible et que sa déficience risque de s’accroître avec l’âge.
Texte : Sandrine Letellier