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Société

Emploi : lever les barrières

Numéro 152 1er mars 2018
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Les femmes en situation de handicap sont moins présentes que les hommes sur le marché de l’emploi. En cause : un faisceau de discriminations liées au sexe, à l’âge et à la formation.

 

Les femmes handicapées semblent totalement absentes de nombreuses sphères de la société (...) sans que cela constitue un enjeu : médias, politique, monde des affaires, arts  », constatait le Défenseur des droits dans son rapport sur l’emploi des femmes en situation de handicap publié en novembre 2016. La première difficulté tient au manque de visibilité de cette question, faute d’études, de recherches, de statistiques existantes croisant le critère «femme» avec celui de «handicap»*. Moins nombreuses à engager des démarches pour la reconnaissance administrative du handicap (RQTH), les femmes handicapées sont donc moins identifiables que les hommes dans le monde du travail. Néanmoins, il apparaît que leur taux d’emploi est plus faible que celui des hommes handicapés, et qu’elles sont aussi moins nombreuses à effectuer des démarches de recherche d’emploi en cas d’inactivité. Elles sont moins présentes dans les dispositifs d’accompagnement spécifiques tels que Cap Emploi, comme dans la création d’entreprise (seulement 30 % de femmes créatrices d’activité accompagnées par l’Agefiph). Leur moindre présence dans l’emploi se constate aussi dans le secteur protégé et adapté, en raison des activités industrielles et techniques qui ont prédominé jusqu’ici dans ce milieu et majoritairement dévolues aux hommes.

Des discriminations cumulées

Alors qu’un diplôme augmente les chances pour les hommes handicapés de trouver un emploi, ce n’est pas le cas pour les femmes. Et la maternité rend encore plus complexe leur situation. Il peut s’avérer compliqué de concilier au quotidien une vie professionnelle et une vie familiale, auxquelles s’ajoute une problématique de soins. « Au-delà des stéréotypes liés à la maternité et des inégalités susceptibles d’en découler, les femmes handicapées cumulent les risques de discriminations en ce qu’elles sont également confrontées à une certaine défiance quant à leurs aptitudes professionnelles », souligne aussi le Défenseur des droits.

Selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), les personnes titulaires d’une pension d’invalidité sont majoritairement des femmes. « À temps partiel, elles travaillent plus fréquemment que la moyenne dans l’administration publique, l’enseignement, la santé et l’action sociale et elles appartiennent plus souvent à la catégorie socio-professionnelle des employés.  » En cas de survenue du handicap en cours d’emploi, les témoignages montrent un manque de solutions de reclassement et des déclarations d’inaptitude trop rapides, voire plus rapides pour les femmes que pour les hommes. Face aux difficultés pour trouver ou retrouver un emploi de qualité – non précaire, à temps complet et correctement rémunéré – l’inactivité s’impose donc à elles. Cela renforce leur précarité sociale en les rendant plus dépendantes des aides sociales, de leur conjoint ou leur famille. Parmi les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), la part des femmes a toutefois augmenté, passant de 35 % en 2009 à 42 % en 2013. Et si les victimes de maladies professionnelles sont majoritairement des hommes (63 %), la part des femmes augmente (leur proportion atteignait 30 % et 32 % respectivement en 2005 et 2006).

Des évolutions de carrière limitées

Enfin, l’accès à la formation continue et aux évolutions de carrière est plus limité pour les femmes que pour les hommes, toujours en raison de la difficulté à concilier une vie personnelle – soins, fatigabilité, famille – et une vie professionnelle plus complexes que pour le reste de la population. Le plafond de verre auquel se heurtent de nombreuses femmes est encore plus difficile à briser pour celles qui sont handicapées. Pour favoriser l’emploi des femmes en situation de handicap, le Défenseur des droits émet des recommandations  : renforcer les études statistiques, effectuer un recensement des réalités du handicap différenciant femmes et hommes, rendre ces femmes plus visibles dans les supports de communication, favoriser leur accès à la scolarisation et aux études supérieures, développer une approche spécifique pour les femmes dans l’accompagnement et l’orientation professionnelle, ainsi que dans les négociations collectives et la formation.

Il souligne aussi l’intérêt pour les femmes handicapées de recourir au télétravail, « pour faciliter la gestion des plages nécessaires pour les soins liés au handicap, mais aussi pour réduire le temps de transport et la fatigue ».

Texte

Marie-Laure Souplet

Formatrice et non-voyante

« J’ai effectué toute ma carrière en tant que formatrice, dans un centre de rééducation professionnelle (CRP) spécialisé dans la déficience visuelle, puis dans l’organisme de formation «Handi-formation» que j’ai créé en 2010 à destination des personnes travaillant en Ésat, en entreprise adaptée, ou demandeuses d’emploi. Aujourd’hui, j’ai arrêté cette activité et retrouvé un poste de formatrice pour plus de stabilité. J’ai un caractère battant et j’ai toujours eu cette volonté, avec mon handicap, d’aider celui qui est plus en difficulté que moi. Aux femmes, je dis qu’il faut aller de l’avant, être source de propositions, et utiliser son handicap comme un atout. Par exemple, pour travailler au sein d’une Mission Handicap, où parfois les personnes n’y connaissent rien ! Grâce aux nouvelles technologies, de nombreux aménagements sont aujourd’hui réalisables dans les entreprises pour l’emploi, et la barrière du handicap n’a plus lieu d’être. Les femmes doivent être recrutées pour leurs compétences et non pour leur handicap. Ne vous fermez pas les portes ! »

Marie-Laure Souplet est l'auteure de L’intégration scolaire et socio-professionnelle, éd. Société des écrivains, 2011, et de Vivre avec une différence, pour qui ? Quelles conséquences ?, éd. Société des écrivains, 2015.