« Se dire que la vie n’est pas fichue »
Gros consommateur de cannabis alors qu’il était jeune adulte, Nicolas a contracté les symptômes de la schizophrénie. Aujourd’hui âgé de 41 ans, il témoigne d’un parcours chaotique, mais où il a su rebondir et se reconvertir.
« J’ai perdu ma mère à l’âge de 3 ans et mon père, âgé, n’a pas su gérer. Les services sociaux m’ont donc placé en orphelinat et j’ai été adopté à l’âge de 5 ans par une famille française. Jeune adulte, j’ai commencé à consommer beaucoup de cannabis. Je fumais 10 à 15 joints par jour minimum, et encore plus les week-ends. Les symptômes de la schizophrénie sont apparus.
J’ai passé mon bac en décompensation psychique, c’est-à-dire en entendant des voix, en étant paranoïaque. J’ai ensuite commencé des études supérieures, mais je continuais à fumer. J’ai fait un voyage pathologique à Londres avec 45 euros en poche. J’ai vécu en SDF pendant un mois. J’ai perdu connaissance dans la rue et je me suis réveillé à l’hôpital, puis j’ai été accueilli dans un centre pour SDF. J’étais dans un état de souffrance psychique et émotionnelle très intense. Revenu en France, j’ai annoncé à mes parents que j’entendais des voix, que je perdais pied, que j’étais paranoïaque. Ma mère a contacté le pôle de santé mentale et a fait une hospitalisation à la demande d’un tiers. Les infirmiers sont venus me déloger de chez moi, j’ai été attaché à un lit, j’ai eu une piqûre d’Haldol, un puissant neuroleptique, et j’ai perdu connaissance pendant vingt-quatre heures. C’était un cauchemar. La contention et la sédation m’ont vraiment traumatisé.
J’ai alors commencé un suivi en psychiatrie, mais j’ai très mal respecté mon traitement et j’ai redécompensé à peine un an après. À nouveau hospitalisé, il m’a été proposé des injections à effet retard. Au bout de quelques jours seulement, mes symptômes “positifs”, qui se rajoutent à la réalité, ont disparu. Plus d’hallucination, plus de paranoïa, plus de tachypsychie.
Médiateur santé-pair
Une assistante sociale du CMP m’a trouvé un emploi aidé puis un logement adapté pour personnes avec handicap psychique. J’étais assistant d’éducation à mi-temps dans un lycée. J’avais une vie très agréable, très stable, avec un bon cercle d’amis et resocialisé par le travail.
Puis j’ai fait un stage d’observation à l’hôpital via Pôle emploi et une formation d’aide-soignant. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai été recruté au CHU à un poste de brancardier. J’avais un CDI, un salaire correct, une bonne autonomie. J’étais épanoui, heureux et hyperstabilisé avec le traitement à effet retard. J’ai commencé une formation de manipulateur radio et ma psychiatre m’a proposé d’organiser la diminution de mon traitement jusqu’à l’arrêt total à l’obtention de mon diplôme. Celui-ci en poche, j’ai travaillé dans le service IRM, extrêmement stressant et exigeant. J’ai donc demandé à mon médecin traitant de retarder d’un an la diminution du traitement, mais à la suite de son arrêt la maladie est revenue de façon insidieuse avec le stress qui accentuait les symptômes. C’est devenu compliqué au travail avec des problématiques relationnelles. J’ai refait une décompensation totale. Je suis resté un an en hôpital de jour à temps plein et j’ai repris un traitement. Ma schizophrénie était revenue.
J’ai essayé de reprendre le travail, mais cela s’est très mal passé et j’ai donc été en arrêt de nouveau. Mon reclassement pour redevenir aide-soignant a été très laborieux à cause de la lourdeur administrative et j’ai mis un an à reprendre le travail.
Depuis un an, je suis brancardier dans un institut cœur-poumon en mi-temps thérapeutique et médiateur santé-pair dans un hôpital de jour. Je commence bientôt la formation en alternance de ce nouveau métier.
Il est important de témoigner pour partager notre expérience et rassurer les plus jeunes avec un message d’espoir. Il est possible de rebondir, la vie n’est pas fichue, et j’aurais aimé entendre cela. »