Formations du CNED : un défi technique et humain
Le Centre national d’enseignement à distance (Cned) a engagé en 2013 un important chantier concernant l’accessibilité numérique de ses formations, avec l’aide du FIPHFP. Devant la complexité technique et humaine de ce projet, le Cned a opté pour une mise en accessibilité par étapes.
On le sait, l’accessibilité numérique des sites et outils est une obligation légale pour les administrations publiques et les grandes entreprises (voir pp. 61 et 76). Mais peu de ces dispositifs sont aujourd’hui accessibles. Le Cned, établissement public d’enseignement à distance, accompagné du Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), s’est engagé dans ce projet en 2013. Son objectif est double. D’une part, il s’agit de maintenir l’emploi des enseignants en situation de handicap grâce à des formations adaptées. « Nous souhaitions à la fois agir pour préserver l’emploi des enseignants ne pouvant plus enseigner en cours et leur permettre d’être formés et pleinement intégrés dans un nouveau rôle à distance », explique Isabelle Preud’homme, alors directrice du programme accessibilité numérique du Cned. D’autre part, l’établissement souhaitait mettre à disposition toutes ces formations à distance, aujourd’hui essentiellement dispensées grâce au numérique, depuis sa transformation digitale commencée en 2012.
Le sujet s’avère complexe. Il s’agit de mettre aux normes de l’accessibilité numérique tous les outils liés à la création et la mise en ligne d’une formation, c’est-à-dire les cinq plateformes utilisées pour les formations à distance : le site web, qui fait office de point d’entrée pour les inscrits et les visiteurs, une plateforme de gestion des comptes utilisateurs avec un module e-commerce, une autre de mise à disposition des formations en e-learning, une autre encore d’envoi des devoirs et de correction, et enfin un espace pour échanger et organiser son plan de travail. L’accessibilité numérique concerne aussi le travail des auteurs de contenus, le choix des formats (vidéos, pdf, textes...). Le tout se complique encore avec le fait que tous ces outils communiquent entre eux. Par ailleurs, certains des outils ne sont pas développés en interne mais sont la propriété d’éditeurs de logiciels, qu’il faut donc convaincre de la nécessité de répondre aux besoins d’accessibilité numérique.
Les exigences du RGAA
Enfin, autre défi, humain celui-là : un tel projet nécessite l’acceptation et l’implication de tous les acteurs de la chaîne de production des formations, soit près de 1 000 personnes. Au départ, « la nécessité d’accessibilité numérique était mal comprise et perçue uniquement comme une contrainte et une obligation légale, souligne Isabelle Preud’homme. Nous avons donc choisi de présenter l’expérience vécue par une personne malvoyante dans un espace numérique. Les personnes sensibilisées ont pu s’identifier à cette personne et comprendre les enjeux de l’accessibilité numérique ».
Pour démarrer le projet, l’équipe qui y était rattachée, menée par Isabelle Preud’homme, a été formée et s’est fait accompagner par un expert de l’accessibilité numérique. Mais très vite, l’équipe s’est rendu compte qu’il serait très difficile de tout rendre accessible simultanément et que la tâche pouvait paraître insurmontable. « L’accessibilité numérique ne tolère pas d’erreurs », explique Isabelle Preud’homme. Selon le RGAA, auquel doivent se conformer les services publics en ligne, un site web ou un outil accessible doit répondre à des centaines de points de validité. Il suffit qu’un seul de ces points ne soit pas validé pour que l’outil soit considéré comme non accessible.
Un réflexe chez les chefs de projet
Devant cette exigence et la somme de transformations à opérer, la direction de projet a fait le choix de « découper » cette mise en accessibilité en plusieurs étapes, en suivant l’approche par niveaux du label “e-accessible”, créé par la Dinsic (Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication) en 2015 (voir p. 61). Cela permet d’enregistrer ses progrès grâce à des succès d’étape, sans s’épuiser ni engendrer de frustration. « Devant l’immensité de la tâche, nous avons décidé d’avancer de manière progressive, en suivant les étapes du label “e-accessible” dont un des avantages est de mettre en valeur l’engagement lié à la démarche accessibilité. Il est important de valoriser l’atteinte des objectifs intermédiaires qui mènent au RGAA, afin de garder intact l’engagement de l’ensemble des acteurs sur la longue route du référentiel. »
Où en est aujourd’hui le projet ? Après cinq années de travail, tous les outils permettent une production au premier niveau “e-accessible”. Et une première formation va prochainement être labellisée. Si aujourd’hui les résultats ne sont pas encore tangibles et visibles pour les utilisateurs, les efforts réalisés sont colossaux et assurent un socle solide à la mise en accessibilité sur le long terme. « Ça peut paraître long pour l’utilisateur, mais il est difficile d’aller plus vite. Les efforts sont réels, l’intention sincère, les résultats pas encore là mais la tâche est immense et complexe à mettre en œuvre. » Autre succès, et non des moindres : aujourd’hui, l’accessibilité numérique est devenue un réflexe chez les responsables de projet du Cned. « Je peux témoigner de l’évolution de la prise en compte du sujet. Chacun intègre dans son plan d’action les questions liées à l’accessibilité numérique. »
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Retours d'expérience
Fidèle à son ambition de démocratiser les connaissances et avec sa forte expérience de formateur, le Cned a témoigné de son expérience dans le livre blanc L’inclusion du handicap et l’accessibilité numérique, publié durant l’été 2018. L’objectif : faire bénéficier de ses connaissances ceux qui se lancent dans des projets similaires. Par ailleurs, l’établissement de formation à distance a développé le Mooc Accessinum, pour former gratuitement les chefs de projet aux bases de l’accessibilité numérique. Cette formation, élaborée pour apporter des réponses pratiques, fournit des repères théoriques permettant la bonne conduite d’un projet de mise en accessibilité. Concrètement, il répond à des questions telles que : comment bien amorcer sa démarche ? Comment s’assurer que les règles d’accessibilité numérique ont bien été respectées ? Comment contrôler les étapes de réalisation de sa démarche ?
Le CNED en chiffres
50% de l’effectif du Cned est constitué d’enseignants en poste adapté (chiffres 2013)
130 postes adaptés chaque année
304 enseignants à domicile en 2016
1600 produits et 3000 modules de formation
100 000 utilisateurs par an