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Société

« Être la ministre des droits »

Par 
Comité de rédaction
Michaël Couybes
Numéro 175 10 décembre 2023
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Photo : Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, assise, les mains croisées et tout sourire.
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Au sortir d’un automne particulièrement dense, la ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, Fadila Khattabi, nous a accordé une interview* bilan de son « “quinquemois »” et nous fait quelques annonces.
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Avec le DuoDay, au cœur de la 27e édition de la SEEPH, n’est-on pas arrivé à une sorte de Téléthon annuel qui donne bonne conscience et exonère d’agir tout le reste de l’année ?

Franchement, non. Cette année, le DuoDay a connu une progression sans précédent, avec 28 000 binômes constitués, soit une augmentation de 33 % par rapport à 2022. On sait également qu’environ 23 % des personnes en situation de handicap ayant participé à cette journée se sont vu proposer une offre d’emploi  après cette expérience : stage, CDD, CDI,  etc. Ce n’est pas rien !

Le DuoDay est arrivé à sa phase de maturation. Voyons-le comme une plateforme d’emploi et de détection des talents plutôt que comme une opération de communication. D’ailleurs, lorsque j’écoute les personnes directement concernées : 86 % ont un retour positif de cette journée (sondage OpinionWay concernant le DuoDay 2022).

À cette occasion, le gouvernement a présenté « de nouvelles mesures pour l’emploi des personnes en situation de handicap », mais déjà annoncées plusieurs mois auparavant en CNH et CIH. Quelles sont concrètement les mesures nouvelles pour 2024 ?

Certaines mesures figuraient déjà dans le cap fixé par Emmanuel Macron lors de la CNH.  Maintenant, nous les traduisons dans la loi et le droit commun. Dès 2024, Pôle emploi deviendra France Travailcréant ainsi une porte d’entrée unique pour tous les travailleurs, qu’ils soient en situation de handicap ou non. Le travail en milieu ordinaire doit être la norme, sans pour autant oublier le rôle majeur que jouejouent les Ésat dans l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Sur ce sujet, mon objectif est de créer plus de mobilité dans les parcours professionnels tout en sécurisant les évolutions de chacun. On doit pouvoir construire des ponts, ouvrir les portes et les fenêtres pour que les chemins de vie tout tracés, pour ceux qui ne le souhaitent pas, de l’IME à l’Ésat, soient de l’histoire ancienne.

Avez-vous trouvé une solution pour les personnes en situation de handicap pénalisées par la modification du cumul possible entre pension d’invalidité et revenus ?

La réforme des pensions d’invalidité mismise en place en 2022 a permis d’augmenter le gain au travail des bénéficiaires. Très concrètement, 60 000 d’entre-deux eux ont vu leur revenu augmenter. En revanche, ce nouveau calcul entraineentraîne un investissement important de la Sécurité sociale, qui s’accompagne donc d’un plafonnement pour les très hauts revenus. Cela concerne, à partir du 1er janvier prochain et à la suite à und’un décret rectificatif pris en 2023, environ 800 personnes qui gagnent plus de 5 800 euros par mois.

Alors que la Commission européenne s’apprête à publier un guide de l’aménagement raisonnable pour les employeurs, qu’est-ce qui bloque la parution du décret d’application de l’engagement pris en 2009 pour l’accessibilité des lieux de travail ?

Il n’y a pas de points bloquants. Suivant l’engagement du président de la République, je peux vous annoncer que nos services sont mobilisés pour faire aboutir ce décret. Un premier projet vient d’être transmis au CNCPH et les travaux sont bel et bien relancés. L’objectif est de trouver une solution durable pour combler le vide juridique relatif à l’accessibilité des lieux de travail déjà existants.

La RQTH est-elle le sésame pour l’ensemble des collaborateurs, et pas queseulement ceux en situation de handicap, pour reconsidérer et accompagner toutes les problématiques de vulnérabilité, permanentes ou temporaires ?

La RQTH est d’abord un droit qui s’applique aux personnes en situation de handicap et à toutes les personnes qui peuvent y prétendre. Ce n’est pas seulement un sésame, mais bien la reconnaissance d’une situation particulière que l’État et l’employeur accompagnent.

Je pense qu’elle a sa place dans un monde inclusif que j’appelle de mes vœux, mais elle doit s’accompagner d’aides techniques et humaines adéquates pour les travailleurs en situation de handicap : horaires aménagés, poste de travail aux normes, etc. D’autres mesures sont également  mises en œuvre pour réussir le virage de l’accessibilité au travail : je pense au fonds territorial d’accessibilité par exemple. Il doit nous permettre d’accélérer sur le bâti privé et public, mais aussi sur le numérique.

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 représentent-ils une réelle opportunité inclusive et durable pour l’emploi des personnes en situation de handicap ?

Oui, et si nous prenons l’exemple des Jeux de Londres en 2012, ils ont permis à 80 % de la société britannique de faire évoluer sa perception du handicap. Mais au-delà du regard, notre objectif est d’utiliser cet événement international comme un levier et ainsi aboutir à de réelles avancées dans l’accessibilité, le parasport, l’emploi et la place des personnes handicapées dans l’espace public. Autant de sujetsujets qui feront que l’héritage de ces Jeux sera inclusif ou ne sera pas !

Quel bilan tirez-vous de vos cinq premiers mois dans vos fonctions de ministre chargée des Personnes handicapées ?

Il est trop tôt pour tirer un bilan, tellement ce portefeuille est riche, dynamique et qu’il concerne tous les pans de notre société. J’expliquais récemment à l’un de vos confrères qu’améliorer la vie des personnes handicapées, c’est un combat de tous les instants, une montagne à gravir. Je n’ai jamais été aussi prête à relever ce défi. Derrière chaque progrès, c’est la vie des personnes et des familles que nous améliorons. C’est une mission profondément humaine. Dès les premiers jours de ma prise de fonction, je me suis attachée à rencontrer tous les acteurs : les personnes en situation de handicap, élus, collègues ministres, associations, entreprises,  etc. Aujourd’hui, mon regard sur le handicap a murimûri grâce à sesceséchanges et à mes déplacements. Je comprends les attentes de nos concitoyens en situation de handicap et elles sont légitimes.

C’est la raison pour laquelle je souhaite être la ministre des droits et de l’amélioration concrète de la vie des gens. Nous devons tout mettre en œuvre pour que le quotidien soit plus simple, plus accessible et plus ouvert à la différence. C’est ma priorité.

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